La francophonie chute drastiquement avec la nouvelle génération libanaise : effacement tragique ou repositionnement stratégique - بوابة الكويت

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La francophonie chute drastiquement avec la nouvelle génération libanaise : effacement tragique ou repositionnement stratégique - بوابة الكويت, اليوم الثلاثاء 1 يوليو 2025 10:52 صباحاً

بوابة الكويت - Carl ISSA  - Ecole Internationale Antonine - Ajaltoun

 

 

 

Longtemps un pilier primordial du plurilinguisme au Liban, la langue française se voit perdre petit à petit du terrain face à une jeunesse en pleine mutation, à la recherche de modernité et d’opportunités.

Georgio* ne parle pas français. Pourtant, ses parents l’ont bien appris, et ses grands-parents le parlaient à table. Du haut de ses 16 ans, il préfère l’anglais pour étudier, l’arabe pour discuter. Le français ? « c’est gênant et vieux ! » lâche-t-il. Cette réponse paraissant totalement anodine est le symptôme d’un phénoménal glissement linguistique majeur : sans même s’en rendre compte, c’est la francophonie qui s’efface de la mémoire collective des jeunes libanais.

Historique de la francophonie au Liban

D’abord, il est pertinent de souligner que la francophonie au Liban n’est pas uniquement liée au mandat français au Liban (s’étalant de 1920 à 1943). Cette dernière est massivement antérieure, en partie liée aux missionnaires religieux français au Liban (Jésuites, Lazaristes, Franciscains…) encore présents à ce jour, à la présence de la plus grande université francophone du Proche-Orient sur son territoire, étant l’Université Saint Joseph (USJ), et ce depuis 1875, ou encore aux échanges commerciaux historiques capitaux et prépondérants entre la France et le Liban. Ainsi, la langue française n’a jamais été sur le territoire libanais un créole imposé, ni un « impérialisme politique ni un impérialisme linguistique » selon l’ex-Président de la république libanaise Charles Hélou, et elle ne le sera jamais. Contrairement, c’est une langue qui noue continuellement des liens, alors que le Liban s’est sans cesse retrouvé à une position de véritable carrefour entre les cultures diverses. Tandis que plusieurs pays arabes ont le français comme langue officielle, ce n’est pas le cas du Liban. Toutefois, il va sans dire que sa présence historique dans la société libanaise est évidemment patente, et cela est notamment mis en exergue par un statut privilégié lui étant accordé dans l’article 11 de la constitution libanaise, la loi suprême.

L’utilisation du français dans l’enseignement

Le Liban compte 62 établissements scolaires homologués par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), ce qui représente plus de 95% des établissements homologués de la zone Proche-Orient ! Cependant, en contraste avec ce chiffre astronomique est remarquée une chute radicale du taux d’élèves libanais scolarisés dans ces derniers, ou étudiant le cursus scolaire français. En effet, en 2021, 51% des élèves libanais étaient scolarisés dans le réseau des écoles francophones, contre plus de 70% vingt ans plus tôt, et le déclin n’est pas près de se terminer, avec de nos jours moins de la moitié des élèves libanais étudiant dans une école francophone. De plus, la part significative des élèves scolarisés dans le secteur public n’a pas toujours accès à une bonne qualité d’enseignement de la langue française. Le nombre d’enseignants de français est en baisse non-négligeable pour une quantité d’élèves strictement croissante. Ce déséquilibre entre l’offre et la demande laisse apparaître des cas spectaculaires où pour un lycée entier n’est présent qu’un seul professeur de français. Le Liban étant connu pour être un pays dont le système éducatif est traditionnellement francophone, le manque de personnes qualifiées à satisfaire cette caractéristique induit une jeunesse mal formée en langue française, voire rejetant systématiquement cette langue qu’elle connait mal ou n’apprécie pas.Quant aux établissements universitaires, leur situation n’est en rien moins problématique ni moins préoccupante. L’engouement pour les universités anglophones n’a jamais été plus d’actualité, dominant les quelques universités francophones perpétuellement avec une écrasante majorité en nombre. D’après le prêtre catholique jésuite Salim Daccache, Recteur de l’USJ depuis 2012, cette attirance est avant tout liée à « l’importance de cette langue (l’anglais) dans le monde professionnel », alors que plus de 55% des bacheliers libanais ayant suivi une « filière francophone » ou simplement un baccalauréat français s’orientent vers des études supérieures en anglais. Le monde du travail suit la tendance : l’essentiel des entreprises, surtout celles dirigées vers les multinationales, privilégient indubitablement énormément les candidats anglophones aux autres. L’anglais devient de la sorte un réel passeport professionnel ; le français un simple ornement.

La communication dans la vie quotidienne

Dans la vie qu’il serait possible de qualifier « de tous les jours », c’est – et comme ça l’a toujours été – en toute évidence l’arabe dialectal qui s’impose. Néanmoins, l’utilisation de l’anglais hors du cadre professionnel est en plein essor. Pour quelques communautés ou milieux chiites et sunnites, une crise identitaire s’impose. L’arabe étant valorisé dans tous ses aspects, l’anglais n’est pas rejeté et est perçu comme une langue « neutre » sur le plan religieux tout en restant moderne, en langue séduisante dans tous les sens du terme. Le français quant à lui, est de plus en plus associé à une bourgeoisie chrétienne francophile de moins en moins représentative. En outre, selon les données de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), ce n’est plus que 38% de la population libanaise qui s’exprime en français, alors que ce chiffre s’élevait largement aux alentours de 45% avant la guerre civile libanaise. L’épisode vécu est donc clairement exposé à l’air libre : une crise identitaire anime les jeunes qui, bien que totalement légitimes dans leur objectif, sont en quête de modernité et d’opportunités incarnées par l’anglais, alors que l’éducation francophone perd indiciblement en puissance mais reste relativement influente, et que l’Histoire-même du Liban fût façonnée par l’utilisation du français, laissant des vestiges magistraux. De plus, le numérique a à jouer un rôle crucial dans le façonnement de ce phénomène, alors qu’un anglophone a accès à beaucoup plus de contenu que n’importe quel locuteur d’une autre langue, et que le français, même s’il demeure toujours présent dans certaines sphères culturelles, éducatives et diplomatiques, se retrouve marginalisé dans la consommation quotidienne de médias, de divertissements, de plateformes d’apprentissage et de réseaux sociaux, participant ainsi à une bascule silencieuse mais profonde dans les habitudes linguistiques d’une jeunesse tiraillée entre héritage et mondialisation. Et cela est clairement remarquable et notable dans la manière de communiquer de cette jeunesse entre elle-même, excluant presque totalement le français, à part dans des « zones de concentration » de francophones (dont il serait possible de citer la capitale Beyrouth ou des villes culturellement fondamentales comme Jounié) spécifiques. Et même dans celles-ci, c’est un « franbanais » imprégné de « libanismes » qui est principalement adopté par la génération nouvelle, tel qu’en témoigne un rapport publié par l’OIF datant de 2022.Les répercussions de ce renouveau linguistique 

Sur le court terme, il est manifeste qu’une rupture intergénérationnelle est clairement à prévoir. Alors que la jeunesse qualifie le français de langue élitiste, désuète et obsolète et a tendance à s’en éloigner voire à le condamner, il reste ancré sentimentalement chez ses aînés qui lui aspirent une considération distinguée et particulière. D’autre part, un recul des activités culturelles francophones est déjà en plein déroulement. Les pièces de théâtres sont démodées, les films exposés aux cinémas libanais majeurs (CineMall, Grand Cinemas, VOX Cinemas, Cinemacity) sont presque intégralement en anglais, le public des expositions ou musées francophone n’a jamais été si bas. À cela s’ajoute une réduction de l’accès au savoir qui est à prévoir, avec des possibilités d’opportunités de partenariats avec des universités françaises ou simplement d’expatriation professionnelle vers un pays francophone et l’accès à certains contenus pédagogiques en moins. Longtemps considéré comme un pôle francophone crucial au Proche-Orient, le Liban risque un affaiblissement durable dans cette position impactant de manière directe ses relations avec la France ou même ses privilèges à l’égard d’autres nations francophones. Pour résumer, ce renouveau linguistique n’est pas vraiment un effacement incontrôlé et une disparition totale et délibérée du français, mais plutôt une reconfiguration. À ce monde globalisé est nécessaire une adaptation à toutes les échelles et sur les domaines dans leur entièreté, y compris, et surtout, une adaptation culturelle. Avec perspicacité, dynamisme et subtilité, la francophonie au Liban, autrefois un pilier culturel incontournable, traverse actuellement une phase de remise en question face aux nouvelles aspirations d'une jeunesse tournée vers le monde. Alors que l'arabe et l'anglais répondent aux besoins d'identification, de pragmatisme et d'ouverture, le français semble osciller entre son prestige symbolique et une perte de pertinence perçue. Cette transition, bien que préoccupante pour certains, révèle surtout une société favorisant l’hybridation linguistique plus optimale et moins « encombrante », partagée entre son attachement à l'Histoire et son orientation vers l'avenir. Allons-nous assister à la disparition d'un héritage ou à l'émergence d'un plurilinguisme réinventé, capable de redéfinir l'identité libanaise sans renier ses racines ?

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